30 avril 2013

Carrousel

La boîte à chaussure que tu tiens dans tes mains contient ton cerveau.
Malaise de ressentir au bout des doigts cette chaleur propre à la vie organique, qui traverse le carton, balancement irrégulier de la masse qui roule à l'intérieur, au gré de tes gestes volontaires, involontaires.
Car tu te dodelines, selon ton habitude, affichant ce sourire vide des grands jours.
Mais le jour s'est mué en soir, à mesure que le monde a changé. Tu ne t'en es même pas rendu compte.

Ton intelligence a toujours été plutôt confinée, sauf qu'aujourd'hui c'est devenu l'évidence. Ce n'est plus une allégorie, tout le monde pourrait le voir. Mais personne n'est là.
Le vieux jour clinquant, bruyant, celui qui t'as usé, n'a plus de réalité. La noirceur a trouvé sa niche, et les insectes recommencent leur vie intense, dans la tiédeur. On entend des bruits dégueulasses: De la chair qui s'enfonce dans de la chair, une évocation de la jouissance mélangée au désespoir. On ne sait pas d'où ça vient. Comme si on cherchait à mourir en se privant d'air mais qu'on ne trouvait qu'un souffle encore plus grand, impossible à contenir, immense. Comme quand on déplie l'accordéon.

Pense au soulagement que tu connaîtrais, si tu ne te réveillais plus dans ce monde. Si tu n'en revenais pas de cet univers sombre.

Les lumières du soir font des lignes de couleur autour du monde, et à force de rouler sa moiteur, dans la boîte de carton, ton cerveau s'abîme; Les vagues lueurs d'une migraine à venir t'apparaissent. Ton sourire prend des airs ambigus au clair de la lune. Ton regard vide se vide encore un peu plus. Tu répètes quelques mimiques en boucle, sans trop de conviction, comme pour signifier qu'il n'y a pas de sens. T'es devenu l'ombre -chatoyante, certes, de toi-même.

La nuit commence à peine et déjà tu veux choir dans l'herbe, t'agripper à la terre.

3 commentaires:

  1. "Sombre, Univers, sombre. Nous t'y aiderons." disent les humains.

    Régis

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  2. C'est drôle, je viens tout juste de lire tes derniers carnets, avant de lire ce commentaire.
    J'ai bien aimé ce moment en compagnie des 2 anges de Frampton...

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  3. Merci.
    Les anges ne sont jamais complètement absents...
    Samedi, nous avons accompagné Léandre au cimetière ; il attendait depuis janvier dans la chapelle funéraire derrière l'église. Marie-Claire disait qu'il avait froid dans cet endroit.

    Rég

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